IRRIGATION DANS LE BASSIN DE L’ADOUR : LE TRIBUNAL ANNULE LES AUTORISATIONS DE PRELEVEMENTS LARGEMENT SURESTIMEES
A la demande de FNE Midi-Pyrénées, FNE 65, les Amis de la Terre 32 et la SEPANSO Landes, le tribunal administratif de PAU vient d’annuler l’autorisation pluriannuelle délivrée au syndicat IRRIGADOUR pour prélever les eaux du bassin de l’Adour amont de 2017 à 2022. Explications.
Des autorisations unanimement critiquées
Durant l’instruction des demandes initiales délivrées en 2016 et qui devaient prendre fin le 31 mai 2022, tous les organismes consultés (Office français de la biodiversité et mission régionale de l’autorité environnementale) ainsi que les commissions d’enquêtes publiques, avaient souligné les graves insuffisances des dossiers déposés :
- les incidences des prélèvements étaient mal évaluées ;
- les volumes sollicités n’étaient pas justifiés par rapport aux besoins des irrigants ;
- les autorisations devaient rester limitées dans le temps et ainsi permettre aux organismes uniques de déposer des dossiers complets d’ici 2020/21.
Outre ces critiques, ni l’Etat ni le syndicat IRRIGADOUR n’ont pris en compte les effets du changement climatique sur les milieux aquatiques.
Les effets du changement climatique continuent d’être ignorés dans la gestion quantitative de l’eau
La position de l’Etat et de ses services est d’autant plus dommageable que les effets du changement climatique sur les eaux de surface[1] à l’horizon 2046-2065 indiquent une tendance à la baisse des précipitations en été sur l’ensemble de la métropole, en moyenne de l’ordre de -16% à -23%, une diminution significative globale des débits moyens annuels à l’échelle du territoire, de l’ordre de 10% à 40% selon les simulations, particulièrement prononcée sur les districts Seine-Normandie et Adour-Garonne.
Pour les eaux souterraines[2], il est prévu une diminution de la recharge comprise entre 10 et 25%, avec globalement deux zones plus sévèrement touchées : le bassin versant de la Loire et surtout le Sud-Ouest de la France avec des baisses comprises entre 30 et 50%, voire davantage.
Pour Georges CINGAL, Président de la Fédération SEPANSO Landes :
« Nous avons toujours dénoncé la myopie des responsables de l’État qui refusent de prendre en considération l’impact des arrosages des cultures : diverses molécules (nitrates…) percolent et atteignent les nappes d’eau souterraines. Pourtant nul ne peut ignorer que les ressources en eaux peuvent être polluées soit directement par des produits chimiques utilisés, soit par leurs métabolites. Le Tribunal administratif qui a eu à examiner le cas des eaux distribuées par le SIBVA (devenu EMMA) a censuré le préfet des Landes qui a laissé polluer les forages d’Orist… D’autres ressources exploitées par le SYDEC sont polluées (Les Arbouts …). Et je n’évoque ici que les Landes ! Cette nouvelle décision favorable aux associations nous réjouit, mais nous comprenons que nous ne sommes pas au bout de nos peines hélas ! »
Un jugement attendu mais avec peu d’incidence pour les milieux naturels
Dans sa décision du 3 février 2021, le tribunal retient deux éléments pour censurer cette autorisation de prélever chaque été 280 millions de mètres cubes d’eau :
« Les objectifs pertinents du [schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux] SDAGE, de non-détérioration des masses d’eau et d’atteinte du bon état des eaux, doivent être regardés comme compromis par l’autorisation attaquée. »
« l’arrêté attaqué aura pour effet d’accroître le déficit quantitatif de la ressource en eau de plusieurs masses d’eau du périmètre concerné. »
Mais compte tenu des enjeux économiques liés à l’annulation de cet arrêté pour les 5000 irrigants concernés, le jugement a finalement modulé les effets de cette annulation :
« Eu égard aux volumes effectivement consommés par les irrigants rapportés à ceux autorisés, il y a lieu de plafonner les prélèvements jusqu’au 31 mai 2022 à hauteur de la moyenne des prélèvements annuels opérés lors des dix campagnes antérieures sur les points de prélèvements existants ou, en l’absence d’antériorité de dix ans, depuis la mise en service régulière du point de prélèvement concerné »
Le Président de FNE Midi-Pyrénées ajoute :
« Toujours plus d’eau pour au final en gaspiller et en polluer toujours plus. Voilà ce que voulait IRRIGADOUR, suivi comme toujours fidèlement par les services de l’Etat. Cette autorisation était totalement irresponsable par rapport à la ressource existante et précieuse, notamment en été. Aujourd’hui, le Tribunal administratif a sanctionné cette fuite en avant désastreuse. Soyons clair, ces ressources en eau sont d’un intérêt public majeur pour la totalité des habitants (1.500.000) des départements concernés, il est inimaginable que 5000 irrigants veuillent s’en arroger une telle quantité (280 millions de m³) pour une agriculture intensive toujours plus impactante sur les milieux et les espèces… »
Enfin, Alain BAUDRY, bénévole aux Amis de la Terre – Groupe du Gers conclut :
« Enfin un jugement qui rappelle à l’administration que son rôle est de s’assurer que les actes soumis à la signature des Préfets doivent relever de l’intérêt général et non de l’ intérêt d’une corporation, aux Préfets que leurs services de contrôles de légalité doivent réaliser une lecture non seulement administrative mais également technique des projets qui lui sont soumis et que malheureusement, les associations de défense de l’environnement sont actuellement les seules sentinelles qui permettent de faire respecter le droit de l’environnement. C’est regrettable. »
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Contact presse :
Hervé HOURCADE (juriste à FNE Midi-Pyrénées) – herve.hourcade@fne-midipyrenees.fr – 07 86 52 30 92
[1] http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Resume_de_l_etude_hydrologie_de_surface_explore_2070.pdf
[2] http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Explore2070_4pages_Hydrologie_souterraine.pdf
FNE Midi-Pyrénées
14, rue de Tivoli
Maison de l’Environnement de Midi-Pyrénées
TOULOUSE, 31000
France »>adresse
05.34.31.97.86